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Danny

J'aime les gens simples. Ceux qui n'ont pas fréquenté l'école longtemps . Ceux que l'on a jeté en pâture à la vie rude quand leur corps était encore douceur et qui ont poussé là , au milieu des ronces et des épines. Ils sont des fleurs sauvages dont on ne fait pas de bouquets.

Dany est une de ces fleurs, les plus beaux nichons du quartier. Je veux bien la croire bien que je doute un peu que Dany soit son prénom d'enfant. Elle tient un bar. Elle le tient bien même. Fermement , comme on s'agrippe à ce qu'il reste d'essentiel. Sur le mur décrépi de sa toute petite salle règne une glace immense qui regarde pousser les fleurs de Danny. Des petits pots, des grands, des bouquets fanés , des épis de blé ,et au milieu la reine, les plus beaux nichons du quartier. 70 pétales étalés pour celui qui viendra l'écouter. Bonimenteuse des jours de foire, elle se raconte en mots sonores multicolores. Elle distribue les trésors , les chéris et les "mon gamin" avec une mine espiègle d'enfant , tandis qu'elle alimente son tiroir caisse à grands coups de verres de mennetou. Qaund on est femme de monde, faut savoir boire un coup .Elle entremet avec ferveur "Range tes billets ma jolie, je connais une coiffeuse. elle te fera un truc bien, une tête de beauté rare pour habiller tes grandsyeux bleus" Elle sort de son tablier des amants fugitifs tous très beaux et d'une grande classe goûtant les cuisses de la patronne bien plus fermes que le poulet du coin. Des messieurs avec de l'instruction qu'ont été à l'école et que l 'école a décoré du plus haut grade: médecin, pharmacien , notaire et compagnie.Elle, elle n'est rien de tout ça : une femme de la nuit, un démon de la ville, une vieille noctanbule qui fait la toupie au milieu du salon. Une bonne et menteuse qui a commercé dans toutes les nuits arrosées: patronne de boite de nuit, tenancière de bar à hotesse, établissement routier. Que des beaux magasins avec des gens biens.Elle finit là sa retraite avant de s'en aller à hong kong ou à Vierzon puisque son jeune médecin veut la marier, ou ailleurs même, dans un désert lointain ou on l'a invitée. Je l'écoute rêver sa vie toute simple au milieu de son cercle attablé. Tout le monde écoute et personne ne se moque, personne ne met en doute les jolis mots de Danny parce que derrière ses lunettes rouges et son chignon décoloré, entre ses mains usées qui manie le torchon, Danny la fleur sauvage a un coeur gros comme ça, qui remplit d'air pur la salle vieillotte et dépareillée. Elle a le coeur des justes , elle se fabrique des petits bonheurs qu'elle lance à foison comme des confettis les jours de fête. Le malheur n'a pas de prise et si son regard s'embue un peu trop sur le souvenir de son enfants décédé, elle en reprend une poignée. Elle dit qu'elle aime les gens, Danny , les plus beaux seins du quartier. Et je veux bien la croire . Elle dit la vérité.

 

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