L'Amour

J'ai rencontré l'Amour. Un amour improbable, loin des pages glacées des magasines,pas ce genre d' amour mercantile et aseptisé, paré des atouts éphémères de la jeunesse.

 Non,le mien marchait sur le trottoir en cet après midi d'hiver. Marcher est d'ailleurs une enveloppe bien trop grande pour qualifier sa progression. Il avançait à pas comptés , lentement, prudemment. De temps en temps, il s'arretait au même rythme que sa lente progression.Puis, repartait avec les soubresauts désordonnés d'une machine exsangue.

Il faut dire que cet amour là avait du faire son temps. Tout vieux, tout ratatiné, même pas joli à regarder. Et puis, il traînait après lui ceux qui avait fait sa jeunesse: pépé, mémé courbés sur un même chemin, le dos voutés à ne plus voir que la fin de la route approchait.L'Amour faisait de son mieux pourtant, cognant en doublé dans leur poitrine creusée, s'attachant à attendre l'autre lorsque le pied hésitant cherchait un fil d'équilibre. Tous les trois allaient sur ce trottoir, encastrés les uns dans les autres, ne formant plus qu'un être indéfini aux cheveux argentés et à la chair bleutée.

 L'amour passait là , devant nos yeux aveugles à force de regarder la lumière, anonyme, sans panache et pourtant cet amour là, comme j aimerais qu'il me soutienne à l'heure où la lumière faiblit.

 Il se ressemblent pour toujours

 la vie les a ratatinés

 pépé, mémé sur le chemin

s'avancent derniers rescapés

elle tient son coude il prend sa main

 et tout doucement ils s'ébranlent

 Comme une offrande aux lendemains face à l'éternité.