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lucie

Il en va de la vie comme d' un voyage au long cours dont personne, jamais, ne revient. Tour à tour, radeau de notre enfance dansant sur la rivière;  Puis navire de guerre acéré et agile, fendant l'eau comme la meilleure des lames, tenant le cap et se jouant des tempêtes. Plus tard, paquebot de croisière, solide et majestueux dont la masse gigantesque tutoie les abysses. Mais qu'importe le voyage, toujours il s'achève en naufrage qui avale lentement celui qui naguère battait pavillon insolent.

Jétais assise sur la rive hier, en plein soleil quand je l'ai vue passer, lentement, en cercles hasardeux , clapotants. La mer était encore elle pourtant.  Du moins, elle en avait conservé la couleur aigue marine.Mais dans ce regard mort, le bleu semblait se diluer peu à peu. Elle naufrageait en silence, ne sachant plus où aller mais y allant quand même. Par ôpiniatreté de survie ou dans une fuite ultime, ou , peut-être pour sombrer plus vite. Mes mots glissaient sur son corps décharné comme une eau qui ruisselle. Alors, doucement, je me suis pencheé sur ce navire fantôme et je lui ai demandé son nom.

Un instant, j'ai vu la mer revenir, soulager la frégate rapide et fuselée qu'elle avait été. Sa bouche s'est ouverte lentement et dans un souffle rauque, vestiges des vents d'autrefois, elle a murmuré "Lucie"

Et dans cette brise éraillée, j'ai vu son grand voyage. Le radeau de Lucie , tout imbriqué de bois et de vieille corde, un mouchoir fleuri en guise de grand'voile. La frégate de lucie , au corps élancé et gracile dansant sur les flots avec légèreté .Des mains fébriles venaient alors caresser sa peau , goûter le sel de son voyage et la douceur de ses îles.

Qui s'en souvient aujourd'hui? Qui pose encore ses mains sur cette coquille vide avec amour, avec tendresse ou tout simplement avec respect? Depuis combien de temps n'avais-tu pas dit ton prénom à haute voix?

Je m'interroge sur ce naufrage interminable qui n'est pas la vieillesse mais bien la façon monstrueuse dont nous l'envisageons. Dans ce port misérable ou l'on achève les vieux bateaux en retraite , je t'ai laissé à une gardienne:" Elle s'est encore détachée!" me dit-elle.

Lucie. Moi aussi, j'aurais largué les amarres pour en finir plus vite, pour retrouver l'océan et y sombrer dans la dignité....

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