Traîne pas trop sous la pluie.

                                                                                           Traîne pas trop sous la pluie.

      Sa voix entre en scène, seule, rocailleuse, traînante. Elle manque de souffle et de précision mais déjà les mots qu'elle décline la modèlent et lui donne du coffre. Puis vient son corps un peu boiteux lui aussi ,  un peu amaigri . Il est vrai que l'homme a 68 ans et que ses ans à lui valent bien deux ou trois vies.          

   Le vieux lion se couche peu à peu, mesdames messieurs. C'est ce qu il tente de nous dire en faisant le tour de l'animal: "plus d'alcool parce que si à vingt ans, on veut mourir; à 70 ans , on veut rester. Des dents en moins sur le devant (merci les bonbons au café!) au cas ou certaines seraient subitement envahies par un désir d'amour à son égard." seulement voilà, on n'y croit pas. Le vieux lion tourne dans la lumière , s'échappe pour l'ombre et laisse entrevoir le félin, l'homme affûté , l'esprit vif et libre qu'il reste malgré l'outrage des ans .

Ce type là est un poète et les poètes n'ont pas d'âge. Quand le commun met un point d'honneur à se dépecer de ses manteaux de vie à chaque tournant; lui n' a fait que les endosser, les imbriquer les uns dans les autres, les coudre , les assembler, les réunir. Il en résulte un corps vieux de 68 années portées en étendard . Tout y est: l'alcool , le sexe , l'amour , l' Afrique, la boxe, le sang, la merde.La vie quoi.... Il est tout cousu de cicatrices béantes qu'il tente de refermer avec les mots, avec du coeur, avec du corps , avec de l'espoir aussi. Il est la Terre chaude et féconde, la vie paisible et violente, la fragilité et la bravoure, l'écriture et le geste.

Un homme quoi. Tout simplement.

sa voix est devenue ronde et forte . Elle traverse l'espace, le temps et toujours les mots qu'elle décline , comme je les sens couler en moi comme s'ils étaient miens!