J'ai des mots dans ma tête. Des gros et des petits, des mots compliqués et tarabiscotés , des mots ronds et légers comme une bulle de savon, et d'autres pesants comme un jour d'orage. Je les collecte minutieusement . je les salive, je les mastisque, je les mets en bouche, comme on goûte un bon vin.
Je les aime. Pour leur odeur particulière, pour leur contour quand ils se couchent, pour leur fougue quand ils se hurlent, pour leur mystère quand on les tait. Je les choisis comme on s'habille de la lumière ou bien de l'ombre. Mots de loulous, mots de marlous :indécents et maquillés pour déguiser son coeur d'artichaut. Mots simples et tout polis à force de servir. Mots concis et acérés pour exprimer ce que l'on est. Maudits, motus, ceux-là ne dépassent pas ma bouche .
Les mots ont un pouvoir . C'est d'ailleurs pour ça que l'homme les a inventés. Pour devenir sorcier suprême, enchanteur du monde. C'est pour cette même raison qu'on les baillonne ici et là, quand on veut censurer la liberté. Les mots nous permettent l'impossible : être ici et partout à la fois .Dire le monde, le saliver, le mastiquer, le contredire, l'imaginer... et l'avaler.
Il y a peu j'ai appris deux choses.
Les inuits possèdent plus d'une centaine de mots pour dire la neige: neige mouillée, neige aux dentrites étoilées, neige fondante...Nous n'en avons qu'un seul.
Les bergers allemands ont accès à plus de 400 mots tandis que certains jeunes de banlieue n'en maîtrisent que 800 ...
