lettre à Auguste

Cher Auguste,

Dans cette grande capitale où je ne me sens pas chez moi, je cherchais un jardin . Un espace végétal qui me reposerait ce tantôt du bruit et du monde. C'est dans cet esprit que mes pas m'ont conduite chez toi. Tu n'y étais pas, mais il faut dire que j'avais manqué notre rendez-vous d'une bonne centaine d'années. En partant, tu avais eu la présence d'esprit de ne pas fermer ta porte et d'y laisser derrière ton âme. Tu as bien fait , en l'ouvrant, j'ai su de suite que le temps n'avait aucune prise sur l'émotion.

Que te dire Auguste sinon que cette rencontre de pierre et de terre fut délicieux. A ceux dont les coeurs sont plus durs que le marbre de celui de tes statues, je ne peux expliquer, mais à toi, oui. Ce fut une rencontre amoureuse, un bouleversement de mes sens. j'aurais voulu pouvoir caresser, laisser mes mains courir sur le bronze, explorer les parties saillantes et les recoins d'ombre, sentir le froid lisse du marbre et la tiédeur des terres. Mes yeux ont du prendre le relais, relever dans une boulette étirée la marque digitale de ton pouce imprimée, déviner tes élans et ses lignes directrices . J'ai vu .J''ai vu le mouvement à jamais figé, l'intérieur des corps apparaître sur l'extérieur, l'emboîtement des os et des tendons, des muscles se gonfler uns à uns pour devenir un tout. J'ai vu la justesse dans l'irrespect des canons académiques, reconnu le savoir digéré de la Renaissance, admiré tes partis pris parfois surprenants. J'ai vu la capture de la lumière pour rendre le trait du dessin.Mais, j'ai surtout ressenti imprimées dans d'autres chairs que la tienne, ton âme, ta sensibilité au monde. Je la ressens là en moi, je comprends . Enfin, je crois.

Je suis sortie de ton jardin repue et pleine de joie dévorante. J'ai refermé ta porte sans la verouiller pour que d'autres que moi puisent à ta source. Au pied de ton victor hugo, sous la grandeur de ton art, sont tombées mes larmes d'émotion pure.

merci