Chère France,
Je ne sais qui de moi ou de toi est en exil; Il n'empêche qu'une frontière s'est tendue entre nous deux, Une muraille dressée , invisible et pourtant infranchissable. Tels les couples en désunion, chacune de nous emporte de son côté ce qui lui est cher.:pour toi, la préférence nationale, la peur de l'autre et l'inculture étalée; pour moi une le nostalgie de ce que j'avais cru trouver en toi. Terre d'asile, tu l'es maintenant, les hommes auquels tu t'abandonnes sont devenus fous, toute haine dehors. Je ne comprends pas . Toi la rebelle aux vents de liberté, toi qui avais su imposer autrefois ta grandeur d'âme et ton humanisme, tu te soumets . Tu plies sous les relents de haine et de peur qui suintent de ta campagne et de tes villes. Pourtant, c'est bien ce sang mêlé qui t'a construit , ce mélange culturel qui t'a fait telle que tu es: riche de partage et de voyages répétés. Serais-tu devenue à ton tour amnésique , sourde et aveugle pour succomber ainsi aux appels de l'individualisme nationalisant?
je te laisse la zapette pour que tu puisses te vautrer chez tf1, je garde les livres , les poètes et la musique.
je te laisse les images pour mieux t'abrutir et justifier ton insécurité, je garde mes yeux pour voir ce qui m'entoure .
je te laisse tes grands hommes , surtout s'ils sont petits et même si c'est une femme, je garde ceux qui te chérissaient autrefois.
je te laisse tes droits , je prends les devoirs.
et puis surtout, je te laisse à ta haine.
je garde l'amour.
