Lettre à Marc

Cher Marc,

                      Nous nous sommes connus sur les bancs de l'école. J'aimais ces petits matins bleu nuit qui venaient taper aux carreaux de votre classe annonçant le coeur d'un jour nouveau. J'étais moi aussi telle cette heure matinale ,hésitante entre mes oripeaux de petite fille et mon costume de future adulte. Vous aviez à charge de m'instruire , ce que vous avez fait . Mais ce que vous m'avez donné n'a jamais été inscrit dans les programmes de l'éducation nationale.

 Entre le bescherelle et ses déclinaisons austères, vous nous dévoiliez des trésors tout droit sortis de votre sacoche de cuir vieilli. J'attendais fiévreusement ces instants quand vous preniez la gloire de mon père aux pages cornées et jaunies et que vous commenciez la lecture. Alors, je partais en voyage avec l'oncle Jules sur les collines du Garlaban . Que de mots fondants , que d'images à jamais fixées dans mon cerveau de jeune élève. Encore aujourd'hui, il me suffit de fermer les yeux pour retrouver la petite table de la Bastide neuve sur laquelle Joseph et Jules préparaient les bourres de leur fusil, j'entends toujours le stridulement des cigales sur les collines et le bruissement du vol des bartavelles. Après Pagnol vint Giono, puis Colette et cette certitude en moi d'avoir découvert un diamant.  Ces milliers de petits signes enchevêtrés les uns aux autres pour former des mots , des sensations, des bourgeons d'idées. Je pouvais les lire, les savourer dans les textes des autres , traverser leur histoire et leur temps, m'y attarder ou les frôler, m'en remplir. J'ai lu comme on dévore, à la lumière du grand jour ou à la lampe de poche, tout et n'importe quoi, un festin gargantuesque et délicieux.

 Puis vint l'écriture, la mienne . Comme un barrage que l'on délivre, les mots ont jailli épousant les formes particulières de la terre. Mes sculptures sont ma voix, des lettres solides et noires à l'odeur d'humus, amoureusement choisies et écrasées les unes sur les autres. Elles racontent à leur tour ce que je suis , ce qui m'a nourrie .

Vous étiez le premier, Marc, sur ce chemin de sensations:. le premier de cordée, celui qui a ouvert ma voix. D'autres sont venus depuis, chacun laissant sur mon chemin des petits diamants scintillants. Je n'ai jamais oublié mon professeur de 6e mais je serais heureuse de connaître l'homme qui se cachait dans ce costume, celui sui sans nul doute aimait les mots et le partage. L'homme au diamant.

                                                                                                 Magali.

 

 

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