Où vont les mots d'amour quand ils s'envolent? Tournoient-ils comme les feuilles au vent pour aller recouvrir nos coeurs ? S'évaporent-ils aux heures chaudes quand seul en reste le souvenir?
Tes mots se sont envolés. paroles sibillynes. Ultimes. Tes derniers mots pour moi. "Vas-y!". Ils ont tournoyés dans l'espace , occupés mon esprit, mon corps . Des jours durant, je les ai mâchés, digérés, recrachés , sans pouvoir leur donner du sens. Quatre lettres, tant d'amour ravagé, et je ne connaissais pas le chemin que tu m'ouvrais.
Et puis, et puis...un jour, j'ai pris conscience de ce qui restait. Tu m'avais donné un regard particulier sur les choses, sur les gens. "Vas-y!" Alors, j'ai fermé les yeux et j'ai ouvert mes mains. Seule dans ton atelier, au milieu de ce vide empli de toi, j'ai mis les mains sur la terre, dans la terre, à l'intérieur de la terre. C'était comme te retrouver. Lentement, fiévreusement, j'ai reconstruit ton visage. A chaque boulette écrasée sur ta joue, sur ton front, sur ta barbe, ce regard intérieur prenait place. Je pouvais sans te voir , dessiner les petites rides de ton cou, ta belle main calleuse, l'angle de ta pommette.
Ce fut le début du chemin. Un tunnel encore qu'il fallait élargir , mais un espace de vie pure, scintillant, porteur d'espoir. Un accouchement dans la douleur , presque comme un passeur de témoin.
Tu étais un artiste, un bâtisseur infatigable, réceptacle d'idées foisonnantes. Un taiseux aussi. Mon premier amour et mon ultime déchirure. Je continue ton chemin, à ma façon. Avec ce que tu m'as donné , avec ce que je suis. Et maintenant, papa, je peux te le dire:"J'y vais."
