Il est une charmante maison, basse de front, au perron moussu et à l'allure batifolante. Elle s'est posée là il y a 200 ans, au milieu des bignones et des clématites et puis elle est restée. Sans fondations aucunes, elle a laissé le temps la recouvrir d'une guirlande de vigne entralacée qui soutient ses vieux murs et lui apporte la fraicheur. Elle m'accueille parfois, le temps d'une retraite volée aux trépidations quotidiennes. Elle m'ouvre son ventre comme on ouvre une bouteille de vin.: le tour de clef grosse comme ma main délivrant aussitôt ses arômes de terre mouillée avec une note de champignon et de vieux cuir. Ici, le temps ne se compte pas. Il passe librement et change la lumière de ma toile. Je m'assois sur son sol de tommettes cramoisies, le dos offert à l'enduit lézardé et j'écoute vivre la maison. Je sais qu'elle est habitée par de vieilles âmes centenaires qui ont foulé sa peau autrefois. Esprits silencieux et bienveillants, je les devine s'affairant dans ce même espace partagé mais hors de mon temps. C'est un lieu intime, un sanctuaire joyeux . Je me regarde dans la grande glace toute piquée au-dessus du marbre de la cheminée. D'autres que moi, autrefois, s'y sont mirées et ont déposé leur bijoux sur la pierre veinée et rosée comme une chair de femme . Le vieux volet grinçant,aujourd'hui comme hier, abrite nos sommeils; laissant voir par un coeur découpé un morceau de nuit palpitant d'étoiles. Elle est ma retraite. Une matrice intime et secrète qui cache ma soif de liberté. Lecture aux heures chaudes, peinture et sculpture quand le soleil décline. Puis, le soir venu, ma maison centenaire entouve son coeur . Dans les fragances d'un été agonisant, nous buvons elle et moi le vin de son terroir à la joli couleur ambrée.
