Résistance

 

 

A petits pas lents , il est arrivé. Deux béquilles en soutien pour étayer sa progression; un tout vieux monsieur, un homme chandelle dont on redoute que le moindre courant d'air ne vienne souffler la légère silhouette courbée.Il s'est assis doucement et a posé ses cannes de chaque côté du fauteuil. j'ai craint un instant que sa parole soit inaudible dans le silence pourtant recueilli de la faible assemblée. En ce jour anniversaire de la création du conseil national de la résistance,dans une petite salle confidentielle, nous étions venus l'écouter. Nous,c'est à dire une poignée d'oreilles avides de recueillir la mémoire ce cet homme : ancien résistant et déporté politique dans le camp de Mathausen. Il a sorti de sa pochette une liasse de feuilles zébrées  d'une écriture rectiligne bleutée puis sa parole nette et claire a cisaillé l'espace.

Quand Georges Séguy nous parle de la résistance et de la création du conseil national , instantanément, l'auditoire se fige. Les yeux bleus du vieil homme se fondent en  un écran lumineux dans lequel on peut voir se dérouler ses souvenirs anciens. Son corps reprend une dimension première, et bien qu'assis, il semble disposer de tout l'espace alentour. Comme dans un miroir , me font face, le vieil homme et son double de 15 ans, esprit et corps tendus dans un seul et même mouvement de résistance nationale. La barbarie nazie, nous la connaissons . Des milliers de mots et d'images, des romans de Lévi jusqu'au procès filmé de Nuremberg , la résistance , la déportation, l'occupation, tout a été montré, dit, filmé....mais, c'est autre chose que d'entendre ce témoignage direct. A l'évocation de son "voyage" en train jusqu'au camp de la mort , je sens l'atmosphère se refroidir, devenir aussi coupante qu'une lame d'acier. Les mots sont nets et précis mais on sent une certaine pudeur à raconter l'indicible. Une délicatesse peut-être à notre égard parce cette violence sauvage faite par des hommes sur d'autres hommes est difficile à saisir pour nous qui sommes les petits -enfants de cette guerre. Des images se succèdent dans ma tête, mais je n'appréhende pas leur réalité entière. Comment peut-on? Comment survit-on à l'enfer? Comment peut-on résister? Je sens ma voisine d'à côté se crisper et son souffle devenir court. A ma gauche, ma fille de 15 ans et ses amis, se sont figés. Il y a un instant fort qui nous fait basculer dans cette évidence , nous sommes les témoins directs  ce soir de ce que l'homme porte de pire et de meilleur en lui: la barbarie et la résistance.La foi en un avenir meilleur construit ensemble pour mieux vivre ensemble. Tel un pont exempt des contraintes du temps, nous nous retrouvons face à un passeur. Nous sommes désormais les porteurs de sa flamme, les sentinelles vigilantes pour les temps futurs incertains. Quand sa parole à lui se sera tue, il sera de notre devoir à tous de prévenir le monde: la barbarie n'est pas morte. Juste endormie. La paix n'est pas un statut. Juste une situation. La haine, la xénophobie , le racisme et la violence ne sont pas du passé. Ils sont en chacun de nous et seuls l'instruction, la mise au service de la collectivité et le partage les tiendront éloignés .Pour quelques temps peut -être....pour combien de temps encore?

Créer c'est résister, Résister c'est créer

                                                                                     https://www.youtube.com/watch?v=vrA9zvqXW-I#t=33

 

 

 

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